jeudi 22 septembre 2011

"Les vrais responsables ? Ikéa, Coca, Danone, Carrefour..."

On a du mal à comprendre pourquoi certains débats ne font pas salle comble. Jeudi soir, la discussion autour du devenir des déchets n'a réuni qu'une petite quarantaine de personnes, mais elle fut riche en enseignements, en contradictions, en analyse technique. Elle touchait au coeur des politiques énergétiques de Rennes Métropole : que faire de nos centaines de milliers de tonnes d'ordures ? Peut-on en tirer profit ? Le porte-monnaie doit-il passer avant la santé ? Les consommateurs, le législateur ou les industriels doivent-ils changer radicalement leurs habitudes ? Un vrai débat de société...

Le panorama tracé par les intervenants est impossible à détailler ici. Voici quelques données et un condensé des échanges entre élus, experts et habitants, pour tenter de restituer la complexité du sujet. Où l'on s'aperçoit que Rennes est plutôt en avance dans sa gestion des déchets, et qu'une controverse agite les milieux écologistes, entre les plus modérés - notamment les élus dans les collectivités, qui défendent l'incinération - et les partisans d'un changement radical des pratiques et des mentalités.

Quelques chiffres

- Les déchets ménagers (ceux que nous mettons à la poubelle après le tri) ne représentent que 3,5% des déchets produits en France. La grande majorité concernent donc le bâtiment, l'agriculture, l'industrie... et les encombrants emmenés en déchetterie - notamment les meubles produits en grande quantité.

- Un français produit 600 kg de déchets par an, en moyenne. Sur ces 600 kg de déchets, 319 sont collectés, 75 sont triés et recyclés, 206 sont amenés en déchetterie. Jean Louis Merrien, élu à Rennes métropole : "A Rennes, on fait mieux que la moyenne nationale. Les habitants sont vertueux sur notre territoire." Comment font-ils ? "Mettre un Stop pub sur les boîtes aux lettres, boire de l'eau du robinet, installer un composteur au fond du jardin..."

Stocker ou brûler ?

- Ingénieur des Mines, Nicolas Garnier est délégué général de l'association Amorce : "Une grande partie de nos déchets est inévitable. Est-ce qu'on préfère les stocker ou les mettre en incinérateur ? Il n'y a pas de solution géniale. En milieu urbain, on brûle davantage, car on n'a pas de place. En milieu rural, on a plutôt tendance à stocker. La seule différence, c'est que quand on enfouit, ce sont les générations suivantes qui devront s'en occuper."

- Jean-Luc Daubaire, élu à l'écologie urbaine de la Ville de Rennes, défend l'énergie produite par l'incinération des déchets, la moins mauvaise des solutions selon lui : "Il est indispensable que les villes de demain ne consomment pas les espaces agricoles." Un réseau de chaleur alimenté par les déchets est plus économe : "L'habitat dense permet moins de tuyaux, donc moins de déperdition."

Quel impact sur la santé ?

- Bruno de l'association Vivre à Beauregard, est contre les nuisances de l'incinérateur. "Je n'ai pas entendu une seule fois le mot santé. Les incinérateurs sont une source de pollution importante: aujourd'hui, pas moins de 2000 molécules dangereuses sortent de l'usine. Nous pensons que la méthanisation est une alternative sérieuse, comme à Amiens ou Calais."

 - Réponse de Nicolas Garnier : "La méthanisation n'apporte qu'une solution pour une petite fraction des déchets." En terme de production d'énergie, "le bilan dioxine du gaz et du bois est moins bon que pour les déchets." Il regrette surtout l'absence, dans ce type de débats, de "ceux qui nous font consommer et qui produisent le plus de déchets : Coca, Ikéa, Danone, les hypermarchés..." Il pointe, à l'instar des élus écologistes, un coupable : le suremballage.

- Jean-Luc Daubaire souligne : "C'est vrai, il nous manque encore des données. Mais c'est étonnant d'avoir peur de quelque chose d'aussi surveillé et de ne pas se préoccuper des voitures, notamment des moteurs diesel directement liés aux bronchites chroniques ! La première évolution, c'est de libérer la production de chaleur du joug du pétrole."

Quelles solutions dans l'avenir ?

- "A Barcelone, à Lausanne, ils sont en avance, estime Jean-Luc Daubaire. On travaille sur la récupération de chaleur des eaux d'assainissement, la récupération des ordures des cantines, etc. On peut faire de nos ordures citadines un engrais pour nos campagnes. Nous ne sommes pas fermés aux évolutions, au contraire."


- Une habitante, copropriétaire à Beauregard, intervient : "J'ai subi les problèmes de santé avant que des contrôles soient faits. On voudrait un débat sur les tarifs, le prix de l'énergie fournie." Une autre : "On voudrait que nos élus reviennent devant nous régulièrement pour approfondir cette discussion."  Rendez-vous notés par Mrs Daubaire, André et Merrien.

- Des utopies, entendues en fin de débat : "Pourquoi ne pas installer des puces électroniques sur les poubelles, pour que ceux qui produisent moins de déchets paient moins de taxes ?" Une idée déjà expérimentée mais moquée par Nicolas Garnier : "On est en France..." Manière de dire que les plus malins détourneront le procédé à leur avantage !
Chacun est responsable et peut changer de comportement : "Aujourd'hui en France on collecte moins d'un quart des déchets dangereux (piles, détergents, etc.) Quand on repeint un volet, on n'a pas assez le réflexe d'aller mettre le pot de peinture à la déchetterie." 
Mais l'Etat a aussi un rôle à jouer."Taxer les suremballages, obliger les fabricants à reprendre les produits qu'ils vendent, c'est possible. C'est une question de volonté politique."


Cédric Rousseau
Photos Dominique Primault

N.B. Pour plus d'informations, le dossier de Rennes Métropole Magazine de décembre 2011 sera consacré à la question des déchets, de leur recyclage et de leur valorisation. 

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